Dans son intimité est une série composée de sept photographies en noir et blanc. On y suit la soirée de Nana, une amie. Nous la retrouvons donc dans ses activités nocturnes. Une longue conversation à précéder la prise des photographies. Je trouvais nécessaire de m’entretenir avec elle, afin de dégager des idées. En effet, il s’agit d’un projet réalisé sur l’instant. Il n’y a eu aucune réflexion au préalable, car pour moi une intimité se découvre dans le moment présent, ce n’est pas une chose qui se prépare.
Les photographies suivent la chronologie du temps, avec une approche documentaire. Nous retrouvons d’abord Nana installée dans son canapé avec un album de famille entre ses mains. Les pages se tournent, puis elle s’arrête sur une photographie. Il s’agit de son grand-père maternel, Antoine, homme qu’elle a peu connu, mais dont l’histoire l’anime particulièrement. La seconde photographie révèle un morceau de son appartement. Fragment sur lequel nous retrouvons d’autres images et quelques mots. Son appartement en est recouvert. La troisième image dévoile un peu plus son espace. Ainsi nous la regardons discrètement parcourir son univers. Sur l’image suivante Nana s’affaire à une tâche manuscrite, qui se précise davantage à la prise de vue qui suit. Puis nous finissons avec deux photographies reflétant une douceur musicale. Brel est pour elle un saint. L’homme jouant avec les mots fait jaillir le feu de la tendresse. Tendresse, elle me l’a souvent répété tout au long de la soirée. Je crois que c’est ça son intimité. Être tendre avec les choses qui peuplent ce monde, et surtout ne pas oublier de l’être.
La série a pour volonté d’ouvrir les portes de la singularité d’un être, de découvrir « l’autre » dans son intimité, sans précipitations. Les images nous dévoilent peu à peu Nana, dont le visage reste imperceptible. Le fait de le mettre sous silence semble contradictoire avec les thème de l’intimité et du documentaire. S’en ai tout l’inverse, le portrait de Nana apparait par l’intermédiaire de ses objets, de ce qu’elle touche. Ce qui fait un être, ce n’est pas seulement son enveloppe corporelle, mais également les éléments qui l’entourent.
Les rapprochements et les éloignements photographiques permettent de montrer l’avancement dans le temps, cela crée un rythme qui aboutit à l’idée de mouvement. C’est une lente effervescence des choses, car oui la lenteur est primordiale. Les disques, les vinyles, les livres jonchent les meubles datant d’un autre temps. Tout ceci s’inscrit dans une contradiction à notre société trop rapide, où les pensées fusent comme un train à grande vitesse. La réduction de la palette chromatique et l’atténuation de la lumière viennent cacher Nana, afin de mettre en valeur les objets. Objets qui ont toute leur symbolique. A la fois vecteur de mémoire et de transmission, ils se dessinent comme des reliques renfermant des secrets qui attentent d’être partagés.
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